Solutions analytiques OLEUM pour l’authenticité de l’huile d’olive

Le Dr Alessandra Bendini, dans le cadre de la Session sur la fraude alimentaire - Partie I Authenticité et intégrité, organisée lors du Congrès EFFOST 2018, a fait une présentation sur les avancées du projet OLEUM sur les solutions analytiques possibles pour l'authenticité de l'huile d'olive.

 

Tenant compte de la nécessité de lutter contre les pratiques commerciales frauduleuses préjudiciables au secteur de l'huile d'olive, réduisant la confiance des consommateurs et l'image positive des produits oléicoles, le projet OLEUM joue un rôle important. En particulier, OLEUM vise à développer et à valider des solutions analytiques fiables à proposer comme:

 

i) la révision de méthodes officielles de l'UE existantes en suggérant le remplacement d'étapes spécifiques des protocoles d'analyse afin de réduire la durée des analyses et la consommation de solvant

ii) de nouvelles méthodes de détection de marqueurs spécifiques pour des fraudes spécifiques par approches ciblées

iii) de nouvelles méthodes de dépistage par approches non ciblées.

 

Dans ce cadre, quelques exemples de nouvelles stratégies analytiques visant à détecter les trois cas les plus courants de fraude pour l'huile d'olive ont été présentés.

 

En particulier, le premier cas concerne la qualité qui ne correspond pas à la qualité déclarée, par exemple lorsqu'une huile d'olive vierge ou, dans le pire des cas, une huile d'olive lampante, est commercialisée en tant qu'huile d'olive extra vierge (EVOO), qui est la catégorie de qualité supérieure : une méthode ciblée, basée sur l'identification et la quantification de molécules volatiles en tant que marqueurs de défauts sensoriels, a été développée pour soutenir la méthode de dégustation du COI (méthode sensorielle officielle), et sa validation est en cours (partenaires concernés: CSIC, ITERG, NESTEC, UB, UNIBO, UNIPG, UNIUD).

 

Cette approche par SPME-GC-FID/MS doit pouvoir distinguer les échantillons en fonction de leur niveau de qualité et doit être suffisamment simple pour être appliquée par les laboratoires de contrôle officiels. Une méthode similaire n'existe pas encore officiellement. En outre, compte tenu de la nécessité de réduire considérablement le travail quotidien des jurys de dégustation des entreprises d’huile d’olive, quatre méthodes différentes de dépistage rapide non ciblées sont en cours d’évaluation (partenaires concernés: EUROFINS, UB, UNIBO). Ces méthodes reposent sur une approche par empreinte qui consiste en une élaboration chimiométrique de l’ensemble des profils de molécules volatiles sans étapes d’identification et de quantification. L'objectif est de construire des modèles de classification robustes, capables de discriminer les échantillons en fonction de leur niveau de qualité. Des modèles de classification ont été établis avec 180 huiles collectées lors de l'échantillonnage de la première année (partenaires impliqués: EUROFINS, ITERG, IPTP, UNIBO, UZZK, ZRS). Les résultats préliminaires montrent des pourcentages supérieurs à 85% de classification correcte des EVOO et des non-EVOO. Dans le cas des non-EVOO, des pourcentages similaires ont été trouvés pour la distinction entre les huiles d’olive de qualité vierge et lampante. Ces modèles de classification se renforceront grâce à l’ajout des 154 autres échantillons recueillis au cours de la deuxième année d’échantillonnage (partenaires impliqués: EUROFINS, ITERG, IPTPO, UNIBO, UZZK, ZRS).

 

Selon le règlement de l'UE, les huiles d'olive vierges doivent être obtenues à partir des olives uniquement par des traitements mécaniques ou physiques, dans des conditions ne conduisant pas à une altération de l'huile. Pour cette raison, le traitement de soft-désodorisation douce est une pratique illégale dans le but de réduire les composés volatils responsables d'attributs négatifs et, ainsi, d'éliminer les défauts sensoriels des huiles d'olive de qualité inférieure. Cette huile soft-désodorisée est ensuite mélangée avec un pourcentage d'EVOO et le mélange est commercialisé frauduleusement sous le nom d'EVOO. Toutefois, la soft-désodorisation, réalisée à basse température, n’élimine pas les esters éthyliques d’acide gras (FAEE) qui restent dans l’huile. Les FAEE se forment dans les olives stockées par réaction entre les acides gras libres produits par hydrolyse enzymatique de triglycérides (TG) et l’éthanol produit par la fermentation microbienne du sucre. Les FAEE sont donc des marqueurs d’une mauvaise qualité des huiles et peuvent également être considérés comme des marqueurs indirects du traitement de soft-désodorisation. Sur cette base, une méthode officielle de mesure de la concentration des FAEE a été approuvée en 2011 et la limite légale pour les EVOO a été modifiée par la suite. Cependant, la méthode officielle est particulièrement laborieuse et longue à réaliser, et elle nécessite de grands volumes de solvants. Compte tenu de ces inconvénients, dans le cadre du projet OLEUM, deux procédures alternatives visant à accélérer et à automatiser la collecte des FAEE ont été développées et validées en interne dans le but de proposer des améliorations au protocole officiel (par CSIC et UNIBO). Dans le cadre du projet OLEUM, un traitement de soft-désodorisation par distillation moléculaire flash a été appliqué à différents types d’huiles d’olive vierges défectueuses (par ITERG). Puis différents mélanges entre chaque huile soft-désodorisée et des huiles EVOO ont été préparés dans différentes proportions (par FERA) et analysés. Sur la base de ce type d'échantillons, les partenaires OLEUM travaillent à la mise en place de nouvelles stratégies de criblage analytique permettant de vérifier la conformité des EVOO avec la limite légale en FAEE (partenaires impliqués: CSIC, ITERG, UNIBO), mais aussi de détecter d'éventuels nouveaux marqueurs de ce traitement illégal ; plus particulièrement, de nouveaux paramètres basés sur les acides gras libres et les diglycérides (DG) ont été proposés à titre préliminaire et leur efficacité est en cours d'évaluation (par CSIC).

 

Le deuxième cas de fraude commune concerne le mélange illégal ou légal entre l'huile d'olive vierge extra ou l'huile d'olive et d'autres huiles végétales moins chères. Selon le Reg. UE 29/2012, il est possible de produire et de commercialiser dans les pays de l'UE (à quelques exceptions nationales comme en Espagne et en Italie) des mélanges autorisés entre l'huile d'olive (OO) et les huiles végétales. Dans ce cas, la présence d'huile d'olive ne peut être mise en avant sur l'étiquette que si elle représente plus de 50% du mélange. Cependant, il n'existe pas encore de méthode officielle permettant de vérifier l'exactitude de cette déclaration. Pour lutter contre cette fraude éventuelle, les chercheurs du projet OLEUM mettent en place une méthode qui sera appliquée par les laboratoires de contrôle officiels (par CSIC). Cette nouvelle méthode est basée sur l’élaboration d’un arbre décisionnel qui fixe les teneurs minimales en composés majeurs typiques (TG) et mineurs (hydrocarbures aliphatiques linéaires, tocophérols, stérols libres) des OO et des EVOO. Pour détecter l’ajout d’huiles étrangères dans l'huile d'olive extra vierge et l'huile d'olive, la méthode officielle calcule un paramètre spécifique appelé ECN 42. La limite réglementaire de ce paramètre est basée sur un calcul mathématique et le protocole analytique est laborieux (analyse longue, utilisation de grandes quantités de solvants) et présente certaines limites (faible résolution des TG spécifiques). Une approche analytique alternative, en particulier une méthode de dépistage rapide est à l’étude dans le projet OLEUM (par UB). Cette approche analytique présente de nombreux avantages par rapport à l'approche officielle. En fait, l'instrument, basé sur HESI-UHRMS, offre une précision et une puissance de résolution élevées ; l'analyse par infusion directe est très rapide (seulement 2 minutes par analyse) et la préparation de l'échantillon est simple. Différents types d’adultérants possibles des huiles EVOO ou d'OO ont été envisagés et divisés en huiles végétales caractérisées par i) une teneur élevée en acide oléique comme les huiles de noisette, d’avocat ou de tournesol à haute teneur oléique, à la fois vierges et raffinées, ii) une forte teneur en acide linoléique comme l’huile de tournesol conventionnelle raffinée et iii) une teneur en acide palmitique élevée comme l’huile de palme raffinée. Pour chacun de ces adultérants, trois pourcentages différents (2, 5 et 10%) ont été préparés dans des huiles EVOO et OO. Pour cette approche, le traitement chimiométrique des données, pour lequel le profil des TG est utilisé comme matrice de données, est essentiel. Les résultats obtenus étaient satisfaisants pour les deux modèles à teneur élevée en palmitique ou à haute teneur en linoléique, pour lesquels les adultérants étaient l'huile de palme raffinée et l'huile de tournesol raffinée, mélangées respectivement à 2, 5 et 10% dans l'EVOO et l'OO; en fait, tous les échantillons adultérés ainsi que ceux non adultérés ont été correctement classés. En ce qui concerne le cas le plus difficile lié au modèle à haute teneur en acide oléique, pour lequel les adultérants étaient les huiles raffinées et vierges de noisettes, les huiles raffinées et vierges d’avocat et les huiles raffinées et destérolisées de tournesol à haute teneur en acide oléique, le modèle de prédiction ne donnait des résultats satisfaisants que pour des ajouts d’adultérant à 5 et 10 % dans les huiles EVOO ou OO, et pas pour les ajouts de 2%.

 

Le troisième cas de fraude fréquente concerne le non-respect de l'appellation d'origine géographique. De manière générale, le comportement des consommateurs lors de l'achat de produits alimentaires est orienté vers une préférence accrue pour les produits dont l'origine géographique est déclarée car ces informations augmentent clairement leur confiance. Selon le Reg. UE 29/2012, les huiles EVOO et VOO doivent porter la dénomination géographique d'origine sur l'étiquette, selon les cas spécifiques liés à l'origine UE ou non UE ou originaires de plus d'un État membre ou de pays tiers. Cependant il n’existe pas de méthode officielle (publiée et validée) pour vérifier le respect de l'origine géographique qui, jusqu'à présent, ne peut être vérifiée que par une traçabilité documentée. La mise à disposition d'une méthode fiable et éventuellement rapide permettant de vérifier l'origine géographique d'une huile d'olive vierge est une nécessité urgente. Dans le cadre du projet OLEUM, plusieurs approches analytiques basées sur des analyses spectroscopiques et chromatographiques sont à l'étude (partenaires impliqués: CONICET-EHU, CNRIFFI, EAF, EUROFINS, FERA, ITERG, SMART ASSAYS, UB, UNIBO, UNIPG, UNIUD). Une des méthodes les plus prometteuses consiste à évaluer la fraction des hydrocarbures sesquiterpéniques semi-volatiles en tant que marqueurs d'origine géographique et à les déterminer par SPME-GC-MS avec une approche à la fois ciblée et non ciblée (par UB). L’approche non ciblée, qui utilise l’ensemble du profil des composés semi-volatils comme empreinte, permet une discrimination bien meilleure que l’approche ciblée. De plus, la méthode peut être proposée pour des analyses de routine car ce type d’instrument est généralement disponible dans les laboratoires de contrôle. Une autre approche analytique innovante pour l'analyse des composés volatils des huiles d'olive vierges a également été développée. Elle est basée sur l'analyse par chromatographie en phase gazeuse flash (par UNIBO). Le principal avantage de cette technique est la durée réduite d'analyse, en effet, il suffit de 3 minutes pour réaliser le profil des composés volatils. Un traitement chimiométrique est appliqué aux chromatogrammes avec une approche non-ciblée. Jusqu'à présent, 174 échantillons ont été analysés avec cette méthode, qui correspondent à des origines géographiques différentes provenant : d’un seul pays de l'UE, de pays tiers non membres de l'UE et de mélanges de pays membres de l'UE et de pays tiers. Les résultats obtenus de prédiction à l'aide du modèle de classification étaient satisfaisants. En effet, la validation croisée complète et la validation externe ont permis respectivement, une classification correcte de 98,5 et 92,5 % pour les échantillons non européens, et 5 des 6 mélanges UE/non-UE ont été correctement classés. En considérant le groupe plus large des huiles de l’UE, la validation croisée complète et la validation externe ont permis respectivement, une classification correcte de 86 et 80% des échantillons, et 9 mélanges sur 12 de l’UE ont également été correctement classés. D'autres échantillons doivent être analysés pour vérifier les résultats satisfaisants obtenus. Il sera notamment nécessaire d'ajouter des échantillons non européens afin de mieux équilibrer les deux groupes d'échantillons.

 

Alessandra Bendini (Università di Bologna, UNIBO), Stefania Vichi and Alba Tres (Universitat de Barcelona, UB), Wenceslao Moreda and Diego Luis García-González (Instituto de la Grasa, CSIC)